Christian URBITA, luthier à Cordes sur Ciel, se consacre actuellement uniquement à la construction de violons. " Le violon est l'instrument du quatuor à cordes le plus difficile à faire sonner".

"La tradition en musique, c'est la dernière mauvaise interprétation" disait Toscanini.

"En lutherie, on a trop copié sans comprendre". Christian Urbita

Il s'agit de travailler le bois en fonction de sa qualité, sa densité, son hétérogénéité, son élasticité, son énergie. Différents paramètres sont ainsi à prendre en compte afin de donner vie au violon. A l'image du musicien qui est à l'écoute de son violon, le luthier doit être à l'écoute du bois.

 

 

  • Aux origines du travail d’observation et d’étude : la restauration des Guarnerius del Gesu et Stradivarius

Parcours professionnel de Christian Urbita

Passionné de dessin, musique et sculpture, la lutherie permettait de conjuguer ces trois passions.
Le choix de ne pas suivre de formation en fabrication d’instruments de facture contemporaine mais en restauration est la conséquence d’un constat : les techniques actuelles de fabrication des violons ne permettent pas d’égaler les grands maîtres du XVIIes, la tradition de fabrication étant perdue.

La restauration des Stradivarius et Guarnerius del Gesu permet au contraire de s’imprégner et étudier ces instruments exceptionnels, d’en comprendre leur fonctionnement acoustique.

Cet apprentissage qui a duré dix ans, a débuté en Allemagne à Stuttgart où la tradition musicale est intense auprès du maître luthier Bernhard Franke, et en parallèle à la prestigieuse école de Mittenwald auprès de Rudolphe Masurat à Lübeck. Il s’est poursuivi au sein du célèbre atelier W.E. Hill & Sons, en Angleterre où j’ai été en contact et restauré de nombreux Guarnerius del Gesu et Stradivarius.

Vingt années de recherche en atelier furent ensuite nécessaires avant de mettre au point une technique de fabrication du violon qui permette de comprendre la conception de ces grands violons. Durant cette même période, la direction du festival musique sur ciel et la création de l’atelier européen des luthiers et archetiers permirent également de mieux définir la relation luthiers et musiciens et nos attentes respectives. Lors de ces rencontres durant dix années, trente luthiers et archetiers d’une dizaine de pays différents et cinquante musiciens ont échangé leur expérience.

  • L’échange avec les compositeurs et les solistes

Cette conception actuelle du violon est ainsi née de l’échange fructueux avec les compositeurs accueillis en résidence au Festival Musique sur ciel ; Olivier Greif, Henri Dutilleux, Philippe Hersant, György Kurtág, Thierry Escaich, Thomas Adès, Christian Lauba et les solistes Augustin Dumay, Renaud Capuçon, Laurent Korcia, Sarah Nemtanu, Julien Chauvin, Matthew Trusler.

Les musiciens m’ont permis une prise de conscience de la complexité de la sonorité du violon : le musicien crée son propre son quand il est en symbiose avec son instrument.

Les compositeurs m’ont amené une prise de conscience dans la façon d’appréhender la créativité : qualités de résonance de l’instrument avec Henri Dutilleux, capacité de s’imprégner d’un modèle pour mieux le dépasser et s’en libérer avec Philippe Hersant et Thierry Escaich, la rigueur avec György Kurtág.

Le contact avec les créateurs et les musiciens est essentiel afin de concevoir un instrument de facture contemporaine qui s’inscrive dans la durée et dépasse la simple innovation esthétique.


Le violon du XXs est basé sur une approche stylistique, dans la copie des grands maîtres du XVIIs, alors même que les Guarnerius et Stradivarius ont été transformés au XIXe s. « La tradition en musique, c’est la dernière mauvaise interprétation. » Toscanini. Les proportions du violon moderne sont basées sur les violons anciens modifiés. Au XIXe s, beaucoup de luthiers ont cherché à égaler ou à surpasser les Stradivarius et Guarnerius del Gesu en modifiant la forme parfois de façon extravagante.

Il est dès lors important de faire un violon moderne en lui donnant des proportions équilibrées ; proportions géométriques liées directement à l’acoustique.

La rencontre avec le violon de Guarnerius del Gesu d’Augustin Dumay a mis en perspectives ces vingt années de recherches pour donner de premières pistes d’élaboration d'une nouvelle approche de fabrication du violon et ainsi créer la sonorité du violon du XXIe s pour les musiciens d’aujourd’hui basé sur la même conception des grands maîtres du passé.